Ce que dit la loi — Et ce que les autres oublient souvent de vous dire

Préambule :

Ce que tu vas lire ici n’est pas une interprétation personnelle ou fantaisiste. Ce texte est le fruit de discussions claires, avec le ministère des Armées, et plus précisément avec la DGA, Direction Générale de l'Armement.

Le bureau en question est l’autorité française chargée du classement des matériels de guerre (et des licences d’exportation, mais ce n’est pas notre sujet ici).

Ce qui suit est à but purement informatif, et concerne exclusivement l’usage et l’acquisition d’appareils de vision nocturne en France. Il ne régit en aucun cas le commerce, l’usage ou la possession de ces appareils dans d’autres pays européens ou dans le reste du monde, où les réglementations peuvent être très différentes.


Le classement en catégorie A2-14

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000049822745

D’après la législation française, article R311-2 du code de la sécurité intérieur, les matériels suivants sont classés en catégorie A2-14, donc comme armes de guerre :

« Matériels d'observation ou de prise de vues conçus pour l'usage militaire ; matériels de visée ou de vision nocturne ou par conditions de visibilité réduite utilisant l'intensification de lumière ou l'infrarouge passif destinés exclusivement à l'usage militaire et matériels utilisant les mêmes technologies qui peuvent être mis en œuvre sans l'aide des mains. »

Décryptage :

  1. “Utilisant l’intensification de lumière” :
    → On parle ici uniquement des appareils équipés de tubes intensificateurs de lumière (IIT).
    → Les caméras numériques low light ou sans filtre IR ne sont pas concernées par ce texte. À ma connaissance, leur usage ne pose aucun problème légal, néanmoins une demande de classement d’un matériel précis pourrait enlever toute ambiguïté sur ce dit matériel .

  2. “Infrarouge passif” :
    → Cela désigne les appareils capables de détecter le rayonnement infra rouge de toutes longueurs d’onde non produit par l’appareil lui même, donc les caméras thermiques, SWIR, LWIR, etc.


Partie 1 : Le conçu pour un usage militaire

C’est la partie la plus importante... et la plus négligée.

La loi dit :

Tout matériel destiné exclusivement à l'usage militaire est classé comme arme de guerre.

Mais qu’est-ce qu’un matériel "conçu ou destiné pour un usage militaire" ?

Simple : toi, tu ne peux pas le savoir. Seule la DGA est l’autorité de classement.

Autrement dit, toi ou moi n’avons pas notre mot à dire sur ce qui est "civil" ou "militaire" dans l’esprit de la loi. C’est la DGA qui décide. Point.

D'ailleur c’est clairement spécifié dans l'article R.311-3 du même code qui stipule que 

"Les mesures de classement des armes dans les catégories définies à l'article R. 311-2, autres que celles prévues par arrêtés interministériels, sont prises par le ministre de l'intérieur, à l'exclusion de celles des armes et matériels de guerre de la catégorie A2, prises par le ministre de la défense."

 

Un exemple concret :

Un appareil avec un dovetail ou un montage casque est, dans l’immense majorité des cas, considéré d’office comme un appareil militaire par la DGA.
👉 Donc classé A2-14.

C’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises refusent de vendre des fixations type militaire avec leurs appareils. Elles savent très bien ce que ça implique.


Comment savoir si ton matériel est concerné ?

Le seul moyen fiable, c’est de remplir le CERFA n°16119*01.
La DGA met environ 15 jours pour te répondre.

Et attention : même si chaque composant pris isolément (tube, lentilles, housing, montage…) est légal, l’assemblage peut faire basculer ton appareil dans la catégorie A2-14. Par exemple au hasard, le fait de modifier un appareil qui a été certifié en réponse au CERFA comme ne faisant pas l’objet d’un classement, et d’y rajouter un dovetail.  Et dans ce cas, tu passes du statut de passionné à celui de criminel.

Que risque-t-on? 

Peine principale :

  • Jusqu’à 7 ans de prison

  • Et 100 000 euros d’amende
    (article L317-4 du Code de la sécurité intérieure)



Être militaire ou policier : une autorisation ? Non.

Être militaire, ou  policier ne t’exempte pas de cette législation, sauf si tu es en service, dans le cadre de ta mission. Mais dans ce cadre ton appareil est fourni par ton administration directement qui reste propriétaire du matériel.

Seuls sont autorisés à posséder, utiliser, fabriquer et vendre ce type de matériel :

  • Les administrations publiques (police, gendarmerie, douanes, armée, ONF, etc.)

  • Les entreprises titulaires d’une AFCI A2-14

Mais c’est quoi une AFCI A2-14 exactement ?

L’AFCI (Autorisation de Fabrication et de Commerce d’Import-Export) A2-14 est une autorisation délivrée par la DGA aux entreprises qui souhaitent travailler légalement sur des matériels de guerre ou assimilés, en particulier ceux relevant du classement A2-14 (vision nocturne militaire, thermiques tactiques, optiques de visée, etc.).

Concrètement, une entreprise détenant une AFCI A2-14 peut :

  • Fabriquer ce type de matériel

  • L’importer et l’exporter

  • Le vendre uniquement à des entités autorisées (forces armées, institutions publiques, autres entreprises AFCI)

  • Le stocker et le tester

⚠️ Cela ne donne pas droit à vendre ces appareils à un particulier ou à une entreprise classique, même si elle travaille dans la sécurité.


Le cadre légal : décret n°2018-1195

Ce droit est encadré depuis le décret n°2018-1195 du 20 décembre 2018, qui modifie l’article R.2332-5 du Code de la Défense.

Ce décret précise que :

« L’utilisation ou l’exploitation, sur le territoire national, de matériels de guerre ou assimilés n’est autorisée que pour :
les personnes publiques (État, collectivités, services publics) ;
les personnes privées justifiant d’un intérêt professionnel légitime, en lien direct avec leur activité ou objet social (sous réserve de détention d’une autorisation comme l’AFCI). »

En résumé, aucun particulier, même collectionneur ou passionné, ne peut légalement posséder un appareil classé A2-14, sauf à être expressément autorisé par l’État… ce qui, dans les faits, n’arrive jamais.


Partie 2 : L’usage sans les mains

C’est plus court, mais pas moins important.

Même un matériel non conçu pour un usage militaire, donc non concerné par la première partie, peut être classé s’il est utilisé "sans les mains" (ex. : monté sur un casque ou une arme).

Autrement dit, si tu prends une JVN civile et que tu la montes avec un scotch ou un rislan sur ton casque ou ton arme, tu tombes dans la réglementation.

C’est une disposition qui vise à empêcher le détournement de matériel civil à usage militaire et pour lutter contre le braconnage.


En résumé :

  • La DGA est la seule autorité compétente pour dire si ton appareil est classé A2-14.

  • Un appareil conçu pour un usage militaire est toujours classé, peu importe ce que tu en fais, ou si tu y enlèves le dovetail …

  • Un appareil civil monté en mains-libres ou sur une arme tombe aussi sous le coup de la loi.


Le seul moyen de savoir : remplir le CERFA 16119*01.